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Tiers payant : les raisons de la généralisation
Jeudi 19 juin 2014, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine a annoncé la généralisation du tiers payant pour les consultations de médecins de ville dans le cadre de la future loi de Santé. Une décision qui puise sa justification dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, pour qui la mesure est nécessaire. Décryptage.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’annonce n’a surpris personne. Marisol Touraine a officiellement présenté la généralisation du tiers payant pour les consultations de médecine de ville le 19 juin 2014. « C’est le tiers payant intégral que nous instaurons, les Français ne paieront plus chez le médecin », a t-elle déclaré au quotidien Le Monde le 19 juin 2014. Cette mesure, la ministre des Affaires sociales et de la Santé l’évoquait déjà en septembre 2013. Et pour cause, elle a elle-même commandé une mission d’information auprès de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) cinq mois plus tôt sur le sujet. Le rapport, rendu en juillet 2013, concluait ainsi qu’une réforme est justifiée et que la mise en œuvre de la dispense d’avance de frais est un chantier lourd, mais possible et souhaitable.
Dans ce document, les membres de l’Igas mettent en avant le manque de justice et d’équité dans l’application du tiers payant déjà en vigueur dans certaines situations (voir encadré). La dispense d’avance de frais est actuellement appliquée dans deux cas particuliers : les patients aux ressources modestes et/ou les frais médicaux importants. Mais pour l’Igas, « cette logique globale comporte néanmoins un certain nombre de limites ».
De nombreuses personnes renoncent aux soins
Pour l’Inspection générale des affaires sociales, le premier problème réside dans la définition des soins coûteux. Le plancher se situe à 120 euros, « une faible avance pour un ménage de cadres supérieurs, mais une avance lourde pour un ménage modeste », estiment les auteurs du document. Pour étayer leur propos, ils se sont appuyés sur une étude menée dans le cadre de cette mission d’information par la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) du Gard auprès d’un panel d’assurés. Ainsi, 41% des sondés ont exprimé l’opinion que l’avance de frais devient problématique au-delà de 50 euros et 80% d’entre eux pour les frais dépassant 100 euros. C’est pourquoi ils sont 55% à avoir déjà renoncé à des soins compte tenu de l’avance de frais trop élevés.
Le rapport évoque également des non-recours au droit. En effet, de nombreuses personnes bénéficiaires de la CMU-C (Couverture maladie universelle complémentaire) ou de l’ACS (l’Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé) ne profitent pas de cet avantage faute d’informations suffisantes. Ces phénomènes sont « faibles pour la CMU-C, mais massifs pour l’ACS ». Un problème qui persiste « sans que l’on ait abouti après 15 ans dans le premier cas, 10 dans le second, à définir des politiques publiques efficaces ».
Plus grave, les auteurs de document parlent de phénomènes de refus de tiers payant par certains médecins. «Les taux de tiers payant pour les patients en CMU-C s’échelonnent entre 94,5 % chez les spécialistes cliniques et 98,5 % chez les généralistes alors qu’ils devraient être de 100 % », expliquent-ils. Une étude réalisée en 2011 par le fonds CMU indique que le refus des professionnels de santé est à l’origine de 13,5% du renoncement des bénéficiaires de la CMU-C.
Absence de règles
En outre, le champ d’application actuel du tiers payant pour les ménages modestes serait trop restreint, ne couvrant notamment pas « les nouvelles précarités, comme celles liées aux travailleurs pauvres ». Le tiers payant couvre l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et complémentaire (AMC) pour les personnes bénéficiaires de la CMU-C, mais se limite à l’AMO pour les bénéficiaires de l’ACS. Autrement dit, le patient doit avancer des frais pour la part complémentaire, non prise en charge par la Sécu.
Pourtant certains médecins n’hésitent pas à proposer la dispense d’avance de frais pour des patients en difficultés financières. A l’exception de certains accords locaux ratifiés par des CPAM, « il n’existe pas de règlesdispensant d’avance de frais des personnes qui ne sont pas nécessairement impécunieuses mais qui sont vulnérables dans leur relation avec l’argent. » Dès lors, les pratiques des médecins sont disparates. Un manque d’équité criant selon les zones géographiques. Les tiers payants hors CMU-C et AT-MP (Accident du travail et maladie professionnelle) des consultations pour les généralistes dans les Côtes d’Armor ne représentent que 3% alors qu’ils atteignent 28,4% dans le Haut-Rhin. Ces statistiques ne prennent pas en compte les DOM où le taux de tiers payant est très élevé, particulièrement à la Réunion (97,6%). A l’intérieur d’un même département, le taux varie encore significativement selon les villes ou les territoires. Par exemple dans le Gard, la pratique du tiers payant par les généralistes variait en 2009 de 0 à 100% selon les secteurs.
L’exemple des voisins européens
Jugeant le système actuel « illisible et donc incertain pour les patients et générateur d’inégalités », les auteurs du rapport ont donc encouragé le gouvernement à engager cette réforme. Evoquant notamment « le caractère légitime du tiers payant dans un système d’assurance maladie universel », l’Igas rappelle que la France est le seul pays à assurance maladie à pratiquer l’avance des frais.
Ainsi le système du tiers payant généralisé est d’ores et déjà en place dans des pays comme l’Allemagne (l’assurance maladie paie des associations régionales de médecins qui paient ensuite individuellement les médecins), les Pays-Bas, l’Autriche ou encore la Belgique, le Luxembourg ou la Suisse.
Au terme de sa mission d’information, l’Igas a donc recommandé la mise en place de la généralisation du tiers payant tout en mettant en garde la ministre Marisol Touraine sur les risques de déresponsabilisation du patient et les complications administratives qu’engendrera une telle réforme.
Les conditions actuelles d’application du tiers payant
La dispense d’avance d’argent chez le médecin s’applique déjà dans les cas suivants :
– Soins en rapport avec un accident de travail ou une maladie professionnelle (AT-MP)
– Acte de prévention réalisé dans le cadre d’un dépistage organisé (ex. : mammographie)
– Traitement dans un établissement sous convention avec l’Assurance Maladie, pour la part obligatoire et, le cas échéant, pour la part complémentaire
– Soins dispensés à un patient bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C)
– Soins dispensés aux personnes éligibles à l’aide pour une complémentaire santé (ACS)
– Soins dispensés à un patient bénéficiaire de l’aide médicale de l’État (AME) ;
– Soins dispensés dans le cadre de la permanence des soins (intervention suite à régulation ou du centre d’appel de l’association de permanence des soins) pour la part obligatoire
– Enfin, les médecins traitant ont la possibilité d’accorder le tiers payant sur la part obligatoire à des patients qui le nécessitent, en particulier ceux confrontés à des difficultés financières