« Le droit à l’égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de même valeur entre travailleurs féminins et travailleurs masculins est un principe fondateur de l’Union européenne depuis le traité de Rome de 1957. […] Selon les dernières données d’Eurostat, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’UE reste de 14,1% ». C’est en commençant par ce bilan que l’Union européenne a annoncé, en mars dernier, son projet de directive pour garantir l’égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes dans chacun des pays européens.
Le projet
La directive en projet serait une étape importante pour les employeurs et les salariés en vue de garantir l’égalité des rémunérations. En effet, pour remédier à ce que la Commission européenne considère comme une mise en œuvre inadéquate de la directive de 2006 sur l’égalité de rémunération, elle propose des mesures étendues qui obligeraient les employeurs à faire preuve de transparence sur leur organisation et les processus de rémunération ainsi que sur les écarts de rémunération par catégorie de salariés.
Selon ce projet, chaque entreprise, quelle que soit sa taille, devra être en mesure de démontrer que ses processus RH garantissent une rémunération égale pour un même poste comme pour un poste de valeur égale, et ce dans chaque pays membre de l’Union Européenne. Afin de définir un « travail de même valeur », la Commission propose de comparer les emplois sur la base de critères objectifs et non sexistes.
En outre, la directive exigerait également la suppression de tout écart injustifié de 5% ou plus. Les salariés auraient également des droits étendus concernant l’accès aux informations sur les rémunérations, la possibilité de poser des questions sur les écarts de rémunération et de demander réparation.
Quelle définition de la rémunération ?
Dans la rédaction actuelle, la définition de «rémunération » comprendrait non seulement le salaire de base mais également des composantes complémentaires, en espèces ou en nature, que les salariés reçoivent directement ou indirectement de la part de leur employeur.
La Commission européenne cible donc ici une rémunération globale puisqu’elle comprend les primes, les compensations des heures supplémentaires, les avantages en matière de transport, les allocations de logement, l’indemnisation de la participation à des formations, les indemnités de licenciement, la rémunération des heures supplémentaires, les avantages payés à la discrétion de l’employeur, les allocations réglementaires de maladie, les indemnités réglementaires et les retraites professionnelles. Tous ces éléments qui pourraient être sources d’inégalité et qui ne sont pas visibles sur la simple comparaison des salaires de base.
Quels sont les principaux éléments de la proposition ?
Les mesures visant à accroître la transparence des rémunérations sont les suivantes :
- Les employeurs seraient obligés de fournir le niveau initial de rémunération, ou la fourchette de rémunération, dans les offres d’emploi ou avant un entretien d’embauche. Il leur serait interdit de demander des informations sur l’historique de rémunération aux candidats.
- Les salariés seraient en droit de demander des informations sur leur niveau de rémunération individuel ainsi que sur les fourchettes de rémunération moyennes ventilées par sexe pour les salariés ayant le même poste ou un poste de valeur égale.
- Les employeurs comptant au moins 250 salariés seraient tenus de publier des informations sur les écarts de rémunération entre hommes et femmes au sein de leur entreprise. En interne, ils seraient tenus de fournir des informations sur les écarts de rémunération entre les sexes pour les catégories de salariés au même poste ou poste égal. Les écarts de rémunération de 5 % ou plus qui ne pourraient être justifiés par des motifs non sexistes donneraient lieu à une évaluation conjointe obligatoire des salaires. Celle-ci serait réalisée en coopération avec les représentants du personnel (ou s’il n’y en a pas, avec au moins un salarié désigné par l’employeur) et les autorités nationales compétentes.
Les mesures visant à remédier à la discrimination salariale sont les suivantes :
- Les salariés ayant fait l’objet d’une discrimination salariale pourraient prétendre à une indemnisation y compris le recouvrement des arriérés de salaire, des primes et paiements en nature correspondants.
- Les employeurs seraient soumis à la charge de la preuve qu’il n’y a pas eu de discrimination salariale fondée sur le sexe.
- Les représentants du personnel et les organismes en charge de l’égalité seraient habilités à engager des poursuites judiciaires ou administratives au nom des salariés et à mener des actions collectives.
- Les États membres de l’UE devraient établir des sanctions et des amendes en cas de violation des règles d’égalité salariale.
Quelles implications pour les employeurs ?
La directive s’appuierait sur les lois existantes des États membres en matière d’égalité salariale visant à les développer afin de créer un cadre plus cohérent. Les États membres auraient deux ans pour transposer la directive en droit national, si celle-ci est approuvée par le Parlement européen et le Conseil. Par conséquent, la conformité pourrait ne pas être exigée avant 2024. Les employeurs auraient ainsi le temps de prendre des mesures afin d’être sûrs que leurs systèmes de rémunération sont prêts à une plus grande transparence en matière d’égalité salariale.
D’après notre expérience, il faut environ 3 à 5 ans à un employeur opérant sur plusieurs marchés pour acquérir cette confiance.
La consultation publique sur l’adoption de la directive par la Commission est ouverte du 15 avril 2021 au 27 août 2021.
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