– vendredi 20 juin 2014 15:22
La ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a annoncé une généralisation du tiers payant à la médecine de ville. Les médecins sont vent debout contre cette réforme, la dispense d’avance de frais devant s’appliquer à des patients qui n’en ont pas besoin.
Consulter un médecin généraliste ou spécialiste en ville sans avancer d’argent… Telle est la mesure phare de la loi de santé dont la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a présenté les grandes orientations jeudi 19 juin 2014 devant les professionnels à Paris. « D’ici 2017, le tiers payant sera étendu à tous les assurés », a annoncé la numéro sept du gouvernement Valls (voir vidéo ci-dessous : à partir de 19’50). Conséquence, le patient n’aura plus à régler la note à l’issue d’une consultation, quels que soient son niveau de revenus et l’étendue de sa couverture santé. Pour l’heure, il faut attendre plusieurs jours pour se faire rembourser les frais avancés par la Sécurité sociale (5 jours en moyenne) et le cas échéant par une mutuelle complémentaire.
Dispense d’avance de frais étendue par étapes
Cette généralisation va prendre plusieurs années. Une première étape est prévue en 2014 pour les personnes qui n’ont pas les moyens de se payer une mutuelle. « Dès l’an prochain, les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS) seront ainsi dispensés d’avance de frais », a déclaré la ministre.
Actuellement, le système du tiers payant s’applique déjà en pharmacie lors de la délivrance des médicaments. C’est moins connu mais il existe aussi dans la médecine : il y a une quinzaine de cas de dispense d’avance de frais prévus par la réglementation et 35% des actes de médecine de ville bénéficient déjà du tiers payant, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) remis en juillet 2013… à la demande du gouvernement. L’annonce d’une généralisation est donc tout sauf une surprise : le 23 septembre 2013, Marisol Touraine avait déjà pris l’engagement de généraliser le tiers payant.
Tiers payant déjà en vigueur pour les patients qui en ont besoin
Une possibilité qui ne plaît guère aux médecins. Les syndicats de praticiens s’opposent unanimement à cette réforme. Première critique, la dispense d’avance de frais s’applique déjà aux personnes qui en éprouvent la nécessité. « Les médecins sont d’accord pour pratiquer le tiers payant aux personnes qui en ont besoin. On le fait déjà pour la CMU (couverture maladie universelle, NDLR), pour les aides médicales d’Etat », remarque Jean-Paul Hamon, médecin généraliste et président de la Fédération des médecins de France (FMF) à l’antenne de RTL. « Le tiers payant social existe déjà et concerne les personnes en situation précaire (AME, CMU, ACS), les patients victimes d’un accident de travail et ceux en ALD (affection de longue durée, NDLR) pris en charge à 100 % », atteste l’UNOF-CSMF, premier syndicat de médecins généralistes libéraux.
Pour les praticiens, la disposition annoncée par la ministre consiste ni plus ni moins à « généraliser le tiers payant à des personnes qui n’en ont pas besoin », déplore Jean-Paul Hamon. En pratique, les professionnels de santé affirment en outre faire preuve de mansuétude à l’égard de leurs patients en difficulté qui ne respectent pas les cas légaux de dispense d’avance de frais. « Les médecins généralistes font preuve de discernement. Soit ils accordent le tiers payant à ceux ne rentrant pas dans ces critères, mais en difficulté économique ou bien ils leur consentent des facilités de paiement, notamment en repoussant l’encaissement des chèques », revendique l’UNOF-CSMF.
Jean-Paul Hamon : “On demande aux médecins de… par rtl-fr
Le coût de la santé perdu de vue ?
Les médecins craignent également une déresponsabilisation des malades. Leur raisonnement : sans avance de frais à leur docteur, les Français risquent de perdre de vue ce que coûte la santé à l’heure où le gouvernement s’attaque à la limitation des dépenses publiques en général et de la Sécurité sociale en particulier. C’est ce que souligne la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). « Le risque de transformer la carte vitale en carte de paiement est non seulement de déresponsabiliser les patients au regard du coût de leur santé, mais surtout de déprécier les actes médicaux devenus virtuellement gratuits », fustige cette organisation.
Les praticiens agitent enfin le spectre d’un surcoût administratif lié à la généralisation du tiers payant qu’ils vont devoir assumer. Un coût chiffré à 3,50 euros par acte par la Fédération des centres de santé mutualistes, que le gouvernement n’a pas prévu de compenser, d’après les syndicats. « La généralisation du tiers payant revient à imposer une baisse tarifaire totalement inacceptable, alors que d’autres solutions, souples et modernes, comme la carte de paiement à débit différé santé, pourraient être développées », propose la CSMF.
La présentation du projet de loi en conseil des ministres est prévue en septembre 2014, pour un examen à l’Assemblée nationale début 2015.