CHRONIQUE – La crise engendrée par la Covid-19 n’a pas induit de détérioration substantielle pour la stabilité financière des 16 plus grands assureurs mondiaux notés par S&P.
Bien que le profit total de ce groupe d’assureurs ait été affecté à hauteur de 8 milliards de dollars en 2020, leur solvabilité reste largement satisfaisante. Comme attendu, aucun de ces 16 assureurs n’a été amené à réduire significativement son exposition aux risques ou à devoir chercher de nouveaux apports en capital. Certains d’entre eux, tels que Manulife, Aviva, ou Prudential PLC ont même affiché des profits en hausse par rapport à 2019. Au vu de la solidité des bilans et de la rentabilité récurrente affichée avant la pandémie, l’impact de cette dernière devrait rester sous contrôle en 2021.
Cette résistance explique le peu d’actions prises sur les notations attribuées par S&P et sur leurs perspectives. Au cours de l’année 2020, seule une révision de perspective, de positive à stable, pour Tokio Marine est à relier directement avec la crise Covid-19. La dégradation des notes d’Aegon de AA- à A+ et le placement de celles d’AIG sous surveillance négative sont quant à eux liés à des circonstances exogènes. Plus récemment, la pandémie n’a par ailleurs pas empêché le relèvement de la note du groupe Zurich de AA- à AA grâce à la qualité de son bilan et à sa performance opérationnelle.
Le secteur de l’assurance-vie fut relativement préservé de la crise. Les personnes âgées, principales victimes de la Covid-19, ne représentent en effet qu’une minorité des expositions en couverture décès. En revanche, et bien que partiellement compensées par une meilleure rentabilité de certaines branches telles que l’assurance automobile, les demandes de remboursements liées aux pertes d’exploitations et aux annulations d’évènements ont atteint un niveau record en 2020, détériorant significativement la rentabilité de ces branches. Les trois acteurs les plus exposés (AXA, Allianz, et Chubb) représentent collectivement plus de la moitié des 8 milliards de dollars de baisse des profits énoncés plus haut. Une grande partie des pertes fut toutefois absorbée par les réassureurs, en moyenne beaucoup plus touchés que les assureurs primaires.
L’impact de la pandémie s’est aussi traduit par la baisse marquée des taux d’intérêt à long terme. Ces taux bas, voire négatifs, ont érodé la valorisation des activités et obligé certains assureurs à augmenter leurs réserves (de manière modérée cependant grâce à une gestion historiquement prudente). Les gains sur investissements ont eux aussi été réduits, même si le rebond des marchés après le premier trimestre 2020 a permis de protéger leur valorisation sur l’ensemble de l’exercice. En réponse, plusieurs grands assureurs mondiaux (majoritairement en Europe) ont limité les versements de dividendes et leurs politiques de rachats d’actions en 2020.
Ces éléments nous poussent à anticiper un impact limité de la pandémie sur les profits des grands assureurs mondiaux en 2021. Celui-ci devrait par ailleurs être atténué grâce à l’avancée de la vaccination et aux clarifications apportées dans la rédaction de certaines polices.
Marc-Philippe Juilliard
Director European Financial Services – Insurance Ratings