Le projet de loi santé instaurant le tiers-payant généralisé et un « vrai » droit à l’oubli a été adopté à l’Assemblée nationale en seconde lecture. Si les associations de patients se félicitent, les médecins n’ont de leur côté pas obtenu gain de cause. Passage en revue de ces deux mesures qui vont changer le quotidien des assurés.
Les députés ont voté mardi 1er décembre 2015 en nouvelle lecture le projet de loi santé à 296 voix contre 243. 16 élus se sont de leur côté abstenus. Parmi les mesures du texte, deux concernent principalement les assurés.
• La très controversée généralisation du tiers-payant
C’est une des dispositions emblématiques du projet de loi. L’article 18 instaure la généralisation du tiers-payant à l’ensemble des assurés d’ici fin 2017. Actuellement, lorsque vous consultez par exemple votre médecin généraliste, vous payez 23 euros. La Sécurité sociale vous en rembourse 16,10 euros et votre complémentaire santé prend en charge le reste. Seule une franchise de 1 euro demeure quoi qu’il arrive à votre charge. Une fois le tiers-payant généralisé, vous n’aurez plus aucun frais à avancer lors d’une consultation « de ville », à savoir chez un médecin ou spécialiste libéral. L’objectif du gouvernement est de lever les freins à l’accès aux soins, principalement financiers.
Mais depuis la présentation de cette mesure, les professionnels de santé n’ont cessé de la décrier : ces derniers craignent que cela encourage les patients à consulter davantage sans réelle raison apparente et reprochent le poids de la paperasse à leur charge et les risques d’impayés. Ils ont également souligné que l’avance de frais était déjà pratiquée pour les patients qui en avaient besoin, bénéficiaires d’aides ou non.
>>Pour mieux comprendre les raisons de la colère des professionnels de santé
L’article supprimé au Sénat a été rétabli par la suite par l’Assemblée en l’état. Le gouvernement a simplement précisé les étapes de la mise en œuvre : au 1er juillet 2016 pour les assurés souffrant d’une affection de longue durée et les femmes enceintes, le 31 décembre 2016 pour ceux pris en charge à 100% (pension d’invalidité, contraception…) puis au 30 novembre 2017 pour l’ensemble des Français.
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a d’ores et déjà réitéré son opposition, indiquant qu’elle « luttera encore contre l’instauration du tiers-payant généralisé obligatoire au fur et à mesure de sa mise en place », appelant « les médecins libéraux à ne pas l’appliquer ».
• Un « vrai » droit à l’oubli
Le gouvernement a cependant entendu les doléances des associations et médecins et a amélioré le « droit à l’oubli ». Les anciens malades du cancer connaissent des difficultés à obtenir un prêt immobilier et encore plus l’assurance emprunteur qui va de pair. La raison ? Le questionnaire médical à remplir. En effet, les emprunteurs sont obligés de mentionner leur ancienne pathologie. Cette révélation s’accompagne généralement d’exclusions, de surprimes voire de refus de la part des assureurs. Pour enrayer ce système, un avenant à la convention Aeras pour « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » a été signé le 2 septembre 2015. Il dispense toute personne ayant guéri d’un cancer de mentionner sa maladie dans le questionnaire médical passé 15 ans après la fin du traitement pour les adultes et 5 ans pour les enfants atteint de la pathologie avant l’âge de 15 ans. Pour les cancers guéris moins de 15 ans auparavant, une grille de référence est prévue établissant un tarif d’assurance emprunteur standard.
Un amendement de la rapporteure Hélène Geoffroy (Rhône) abaisse ainsi le délai pour bénéficier du droit à l’oubli à 10 ans après la fin du traitement au lieu de 15 ans. Il se monte à 5 ans pour les patients ayant souffert du cancer avant 18 ans. L’amendement prévoit également d’empêcher le cumul des surprimes et de certaines exclusions de garantie (décès, nouveau cancer).
Au regret du député (LR) des Bouches-du-Rhône Dominique Tian qui a plaidé pour le maintien du droit à l’oubli 5 ans après la fin du traitement pour les cancers de bon pronostic (testicules, thyroïde…) introduit au Sénat, le gouvernement a préféré se référer à une grille. Celle-ci sera établie par l’Institut national du cancer (Inca) et les assureurs. « Cette grille de référence sera régulièrement actualisée et établira la liste des pathologies qui pourront bénéficier d’un tarif d’assurance standard. Elle inclura également des pathologies chroniques et cela sans surprime ni exclusion de garantie après certains délais adaptés à chacune de ces pathologies », a détaillé Hélène Geoffroy.
« Nous avons obtenu gain de cause sur trois points essentiels, se félicite la directrice du journal Rose Magazine Céline Lis Raoux. Au chapitre des mauvaises nouvelles, nous n’avons pas été suivis dans notre demande d’un droit à l’oubli 5 ans après la fin des traitements pour les malades de cancer de bon pronostic. […] Sur le papier et selon les promesses de Marisol Touraine [ministre de la Santé, Ndlr] certains cancers pourraient avoir un droit à l’oubli encore plus rapide que 5 ans. » La directrice attend ainsi la publication de la grille pour continuer son combat le cas échéant.
Avant les Fêtes, le texte doit repasser entre les mains des sénateurs, aux alentours du 14 décembre.