– mardi 12 février 2013 12:27
INTERVIEW – Marc Thomas-Marotel, responsable de l’expertise patrimoniale et financière chez Natixis Assurances, estime que les assureurs et les banques, au lieu de tenter de trouver un produit de substitution à l’assurance vie, devraient se servir de cette enveloppe fiscale pour vendre de la prévoyance.
Toutsurlassurancevie: Pour la première fois, le marché de l’assurance vie a subi une décollecte de 3,4 milliards d’euros en 2012. Qu’en pensez-vous ?
Marc Thomas-Marotel : On s’y attendait. L’assurance vie est un produit d’épargne qui arrive à maturité. Nous avons énormément collecté pendant des années. Aujourd’hui, nous faisons face à un vieillissement du portefeuille. Compte tenu du « papy-boom » (les départs massifs à la retraite des « baby-boomers », NDLR), nous assistons à une augmentation des rachats. C’était prévisible. Ce qui l’était moins, c’est que le phénomène arrive en même temps que la crise économique. On voit ainsi des épargnants qui opèrent des rachats sur leur contrat d’assurance vie pour compléter leurs revenus suite à un licenciement ou pour rembourser leurs crédits, notamment immobiliers. Cette attitude relève de l’inquiétude générale vis-à-vis du contexte économique.
Mais hormis ces comportements atypiques, la collecte nette négative enregistrée l’année dernière a été accélérée par la réorientation de la politique commerciale des établissements bancaires, qui sont les premiers distributeurs d’assurance vie, en raison des normes de solvabilité dites de « Bâle III », qui rendent nécessaires une consolidation de leurs bilans. Les banques ont massivement mis en avant leurs offres monétaires, « bilancielles », au détriment de l’assurance vie. De toutes façons, les branches de l’assurance vie ne pouvaient pas pousser jusqu’au ciel !
Quel produit va prendre le relais de l’assurance vie ?
Il n’y en a pas pour l’instant et c’est là que réside le vrai problème. Les épargnants veulent à la fois de la sécurité, du rendement et de la liquidité. C’est-à-dire tout ce que l’assurance vie leur offrait il y a 15 ans en raison de circonstances de marchés exceptionnels, et qu’ils ne retrouvent plus. Les assureurs et les banques essaient aussi de trouver un produit de substitution, un nouveau relais de croissance, mais ils n’y arrivent pas et peinent à convaincre les épargnants que tout rendement est lié à une prise de risque. On le voit avec le succès plus que mitigé des « variables annuities » et des fonds euros « diversifiés ».
Quelle est la solution selon vous ?
Jusqu’ici, les acteurs ont vendu l’assurance vie comme une niche fiscale. Ils n’ont pas exploité toutes les possibilités qu’offre cette enveloppe très souple, dans laquelle on peut loger des produits de prévoyance. L’allongement de l’espérance de vie va créer de nouveaux besoins, notamment en matière de financement de la retraite et de la perte d’autonomie. Ce type de garanties est pourtant la vocation naturelle de l’assurance vie qui bénéficie d’une fiscalité attractive.
Croyez-vous au renouveau du Perp (produit d’épargne retraite populaire) ?
Depuis quelques semaines, des conseillers en gestion de patrimoine me posent des questions sur le Perp. Ils ont réalisé que la loi de finances 2013 n’avait pas alourdi la fiscalité des produits d’épargne retraite. D’où leur intérêt soudain. Pour ma part, je n’aime pas les produits d’épargne que l’on vend exclusivement pour des avantages fiscaux. En outre, le Perp est un produit complexe qui nécessite une explication approfondie. De façon générale, les clients ne veulent pas de produits de rentes. Ils n’aiment pas l’aliénation du capital et le régime fiscal de la rente est pénalisant. Ils doivent prendre conscience de l’allongement de l’espérance de vie pour comprendre qu’une rente viagère leur assurera un revenu jusqu’à la fin de leurs jours.
Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc
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