passer

Digitalisation : l’ACPR invite les assureurs à passer la surmultipliée

La compétitivité du secteur financier français en dépend. Le pôle FinTech Innovation de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) publie, ce 20 mars 2018, une étude inédite sur la révolution numérique dans l’assurance française.  Lire l’article
L’Argus de l’Assurance – Acteurs

« On va avoir du mal à se passer de l’assurance dépendance »

dependance, assurance, label

INTERVIEW – Corine Monteil, directrice générale du courtier grossiste NousAssurons.com, estime que le label garantie assurance dépendance (GAD), lancé le 22 mai 2013 par la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), va booster ce marché balbutiant.

Toutsurlassurance.com : Que pensez-vous du label GAD ?
Corine Monteil : Je pense que c’est une très bonne chose. Cela va rassurer les assurés et donner une meilleure lecture des assurances dépendance. Longtemps, les assureurs n’ont pas bien expliqué les garanties contre la perte d’autonomie à leurs différents réseaux de distribution que ce soient leurs commerciaux salariés, leurs agents généraux ou leurs courtiers en assurances et conseillers en gestion de patrimoine indépendants partenaires. Du coup, ces derniers se sont mal appropriés le produit et n’ont donc pas su le vendre. En lançant un label, les assureurs s’engagent, montrent qu’ils croient au potentiel de développement de l’assurance dépendance.

L’UFC-Que Choisir est pourtant très critique vis-à-vis de ce label…
J’avoue ne pas comprendre l’attitude de l’UFC-Que choisir. Bien sûr que ce label aurait pu aller plus loin, mais il faut le voir comme une première étape. A ce titre, je trouve judicieux d’avoir défini le niveau de dépendance par rapport aux cinq actes de la vie quotidienne (se lever, se déplacer, se laver, s’habiller, se nourrir, NDLR) et non par rapport à la grille GIR (groupes iso-ressources, NDLR) utilisée par les pouvoirs publics mais totalement incompréhensible pour les particuliers. Par ailleurs, je pense que le principe du viager constitue la réelle innovation du label. Donner la possibilité aux assurés de maintenir leurs droits acquis même s’ils ne cotisent plus va permettre de combattre la mauvaise image de « produits à fonds perdus » qui colle à l’assurance dépendance.

Estimez-vous que le label GAD puisse réveiller le marché de l’assurance dépendance ?

Oui et d’ailleurs, je crois beaucoup au développement de l’assurance dépendance. Je pense même que l’on va avoir du mal à s’en passer. Les gens prennent conscience que ce sont les conseils généraux qui financent l’APA (allocation personnalisée d’autonomie, NDLR) et que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Le montant de l’APA dépend de la richesse ou du choix politique du département d’investir ou non dans la perte d’autonomie. Face à cette inconnue, les particuliers vont de plus en plus se tourner vers les assurances privées. D’autant plus volontiers que les assureurs « marketent » de mieux en mieux leur offre et n’hésitent pas à innover en la matière, en proposant par exemple des services de soutien aux aidants. La création du label va dans le bon sens et ne peut que favoriser ce mouvement.

Que pensez-vous de la possibilité de résilier à tout moment ses contrats auto et habitation proposée dans le projet de loi sur la Consommation ?
Ce qui me dérange, c’est que l’on transforme les contrats d’assurances en produits de grande consommation que l’on peut prendre et jeter n’importe quand. Je rappelle que l’assurance automobile est obligatoire depuis 1985 et qu’il existe déjà une partie des automobilistes qui par imprudence, manque de moyens financiers ou parce qu’ils ont subi trop de sinistres, ne sont pas assurés. Je crains que la résiliation à tout moment ne fasse qu’amplifier ce phénomène. Le marché va devenir de plus en plus volatil et de moins en moins structuré. Les actuaires vont avoir du mal à tarifer. Les compagnies vont être tentées de segmenter encore plus. Résultat, certains assureurs vont pousser leurs mauvais clients présentant les plus gros risques à résilier leur contrat pour nettoyer leur portefeuille. Mais comme les concurrents vont faire pareil, l’automobiliste ne va plus pouvoir s’assurer ou alors à des prix prohibitifs proposés par de nouveaux acteurs qui vont se positionner sur des niches. Au final, il y aura davantage d’automobilistes qui vont rouler sans assurance et le niveau global des prix va augmenter.

En l’absence de « mutuelle » d’entreprise, les salariés vont pouvoir bénéficier d’une complémentaire santé négociée au niveau de leur branche professionnelle. Est-ce la fin de l’assurance santé individuelle ?
Non, puisqu’il existe plusieurs catégories de la population qui ne sont pas concernées par cette mesure qui fait partie de la loi sur la sécurisation de l’emploi, largement inspirée par l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013. Les travailleurs non-salariés, comme les artisans, les commerçants, les professions libérales, mais aussi les étudiants et les retraités vont devoir continuer à souscrire à une complémentaire santé individuelle. Par ailleurs, le marché des surcomplémentaires risque de se développer. La plupart des complémentaires santé négociées dans le cadre de l’ANI vont en effet prévoir des garanties minimum. Pour avoir accès à une meilleure couverture, certains salariés vont être amenés à souscrire une surcomplémentaire santé. C’est en tout cas ce qu’espèrent les compagnies d’assurances et surtout les mutuelles santé qui devraient perdre d’importantes parts de marché au profit des institutions de prévoyance qui dominent largement le marché des contrats collectifs.

Le projet de loi de régulation bancaire veut favoriser l’échange d’informations entre les banquiers et les assureurs en vue de développer la délégation d’assurance emprunteur. Est-ce un vœu pieux ?
La loi Lagarde a instauré la possibilité pour un emprunteur de souscrire une assurance crédit différente de celle de son banquier prêteur à condition qu’elle offre les mêmes garanties que celle proposée par son banquier. De nombreuses banques refusent cette « délégation d’assurance » au motif qu’elles ne reçoivent pas les informations demandées aux assureurs. A l’heure où l’on est capable d’envoyer des dossiers médicaux sécurisés par e-mail, j’ai du mal à croire que l’on rencontre des difficultés dans la transmission de renseignements. En établissant un formulaire commun à tous, le projet de loi de régulation bancaire pourrait priver les banquiers d’un bon prétexte pour rejeter la délégation d’assurance. Pour autant, j’ai bien peur que ces derniers n’utilisent d’autres ficelles. Des banques intègrent déjà dans leur assurance emprunteur des garanties « hors normes », comme par exemple une couverture pour le saut en parachute, qui leur permettent de refuser le produit du concurrent qui ne la propose pas. La délégation d’assurance devrait malheureusement demeurer une niche, représentant environ 10% du marché de l’assurance de prêt.

Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc

Lire aussi :

Assurance dépendance : les assureurs lancent un label pour réveiller le marché

 


Tout sur l'assurance