La censure du Conseil constitutionnel sur la généralisation du tiers-payant complique la donne. D’un côté, les complémentaires santé sont obligées d’élaborer un outil pour le proposer, de l’autre les médecins n’ont aucun devoir de l’offrir à leurs patients. Pourtant, ces professionnels vont être poussés à le faire d’ici 2017. Explications.
Les complémentaires santé sont à l’œuvre. En effet, ce n’est parce que le Conseil constitutionnel a censuré une partie de la généralisation du tiers-payant une semaine plus tôt que la partie s’achève. Le sujet est en réalité beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
>> Pourquoi une partie du tiers-payant généralisé a été censurée
A l’issue de cette décision, la ministre de la Santé Marisol Touraine s’est exprimée dans un communiqué. Or une courte phrase montrait déjà les prémices de la complexité de cette affaire : « Les complémentaires santé auront l’obligation de le proposer [le tiers-payant, Ndlr] aux assurés dans le cadre des contrats responsables (plus de 90% des contrats). »
Une importante contradiction sur l’application
Oui, mais problème : d’un côté les mutuelles santé sont obligées de proposer une solution de tiers-payant dans le cadre des contrats responsables sous peine de perdre leur avantage fiscal, autrement dit pour la quasi-totalité des assurés, et de l’autre les médecins, grâce à la décision du Conseil constitutionnel, n’ont plus aucun devoir de pratiquer le tiers-payant sur la part complémentaire. Ce qui est purement contradictoire.
En d’autres termes, à compter du 30 novembre 2017, une fois que le tiers-payant sera généralisé à l’ensemble des assurés, vous allez consulter votre généraliste et régler 23 euros de consultation : l’avance de frais s’appliquera forcément sur les 15,10 euros remboursés par la Sécurité sociale, un euro de franchise demeurant quoi qu’il arrive à votre charge, mais qu’en est-il du ticket modérateur de 6,90 euros ? Deux possibilités : soit votre médecin vous propose le tiers-payant sur cette part complémentaire, soit il refuse. Mais quoi qu’il en soit, ce dernier gardera la main. Or, les complémentaires santé n’ont l’obligation que de proposer un outil de tiers-payant, pas de le faire appliquer. Vous serez donc tenu d’avancer ces 6,90 euros, que votre mutuelle vous remboursera ensuite, y compris si vous avez souscrit un contrat responsable.
Créer l’adhésion grâce à un outil efficace
Dès lors, on comprend mieux que la ministre de la Santé ait pris la décision du Conseil constitutionnel avec philosophie. En effet, soumis à obligation, les organismes complémentaires travaillent d’arrache-pied depuis des mois pour mettre en place un logiciel de tiers-payant efficace pour les professionnels de santé. « Nous avons entendu les doléances des médecins et nous travaillons au développement d’un outil commun, simple pour la gestion administrative avec une garantie de paiement et un engagement des mutuelles sur des délais restreints de remboursements, calqués sur ceux de la Sécurité sociale (7 jours maximum, Ndlr) », a confié à Toutsurmesfinances.com la Mutualité Française, également membre de l’association des complémentaires santé.
L’idée est alors très simple : créer l’adhésion volontaire des professionnels de santé à ce dispositif pour offrir un tiers-payant intégral aux assurés, plutôt que de les obliger par la loi. « Soyons pragmatiques, la loi peut difficilement fixer toutes les modalités techniques de tiers-payant avec les complémentaires. Nous proposerons en 2017 un fonctionnement simple aux professionnels de santé, qui les sécurise financièrement. C’est leur intérêt, dès lors qu’ils choisiront de pratiquer le tiers-payant pour la part complémentaire, et aussi celui de nos assurés qui pourront en bénéficier. Nos services se généraliseront en étant utiles », affirment de concert Pierre François et Jean-Paul Lacam, vice-présidents de l’association des complémentaires santé, aux côtés d’Emmanuel Roux, président de l’association et directeur général de la Mutualité Française.
« Chacun doit prendre ses responsabilités »
Concrètement, l’association planche sur plusieurs projets techniques pour améliorer le fonctionnement actuel du tiers-payant, en se basant sur le retour d’expérience des 130.000 professionnels de santé qui le pratiquent déjà en partenariat avec des mutuelles santé. Une première expérimentation est prévue au cours du premier semestre 2016 en vue de « préparer le déploiement des services en ligne, qui permettront aux professionnels de santé d’obtenir leur garantie, grâce à la vérification en ligne des droits du patient », précise l’association. Mais avant cela, un groupe de travail conjoint entre l’Assurance maladie et les organismes complémentaires doit remettre un rapport au ministère de la Santé avant le 27 février prochain.
« Chacun doit à présent prendre ses responsabilités : les complémentaires en mettant à disposition un outil de tiers-payant efficace, et les médecins en proposant ce service à leurs patients », affirme la Mutualité Française.
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