Le Conseil constitutionnel a retoqué une partie de l’article qui généralise le tiers-payant à l’ensemble des assurés d’ici 2017. Les Sages reprochent au gouvernement l’absence de garanties pour la partie d’une consultation remboursée par les organismes de complémentaire santé. Dans les faits, un patient avancera les 6,90 euros pris en charge par sa mutuelle, tandis que le tiers-payant s’appliquera sur le reste.
Si le gouvernement pouvait croire que la généralisation du tiers-payant était définitivement actée, ce n’est pas l’avis des Sages. Le Conseil constitutionnel a retoqué une partie de l’article 83 de loi de modernisation de notre système de santé instaurant le tiers-payant généralisé le 21 janvier 2016. L’article 83 instaure la généralisation du tiers-payant à l’ensemble des assurés d’ici 2017. Autrement dit, l’absence d’avance de frais lorsque vous consultez un médecin de ville, généraliste ou spécialiste.
Mais depuis la présentation de cette mesure au Parlement, de nombreuses critiques ont fusé de la part des professionnels de santé et des élus. Multipliant les grèves et les actions coup de poing comme le refus de prendre la carte Vitale du patient lors d’une consultation, les médecins libéraux (généralistes et spécialistes) n’avaient pas dit leur dernier mot, se préparant à la désobéissance civile. Parallèlement, plus de 120 députés et sénateurs ont saisi les Sages sur cet article controversé.
A l’issu de l’examen du texte, le Conseil constitutionnel n’a au final censuré qu’une partie de l’article, concernant les complémentaires santé. Au cours des débats parlementaires, le gouvernement a détaillé le calendrier de mise en œuvre de la mesure : au 1er juillet 2016 pour les assurés souffrant d’une affection de longue durée et les femmes enceintes, le 31 décembre 2016 pour ceux pris en charge à 100% (pension d’invalidité, contraception…) et enfin le 30 novembre 2017 pour l’ensemble des Français. Or c’est précisément, cette dernière étape que le Conseil constitutionnel a modifiée.
Le patient avancera les 6,90 euros remboursés par la mutuelle
Concrètement, lorsque votre consultez votre généraliste, vous payez 23 euros. La Sécurité sociale vous en rembourse 15,10 et votre complémentaire santé prend en charge le reste. Seule une franchise de un euro demeure quoi qu’il arrive à votre charge. Avec le tiers-payant généralisé tel qu’inscrit dans la loi, vous n’auriez plus eu aucun frais à avancer. Mais pour les Sages, si « les conditions dans lesquelles est garanti au professionnel de santé le paiement de la part des honoraires prise en charge par les régimes obligatoires de base d’assurance maladie, […] aucune autre disposition ne prévoit des mesures équivalentes en ce qui concerne l’application du tiers-payant aux dépenses prises en charge par les organismes d’assurance maladie complémentaire ». Plus clairement, le gouvernement a instauré un délai pour le versement des honoraires aux médecins par l’Assurance maladie, assorti d’une pénalité en cas de dépassement, assurant ainsi un filet de sécurité aux professionnels. Or, aucune précaution similaire n’a été prise pour la partie remboursée par la complémentaire santé, soit les 6,90 euros. A compter du 30 novembre 2017, sur les 23 euros que coûte une consultation, vous ne paierez donc plus à votre médecin que les 6,90 euros, le tiers-payant jouant sur la partie remboursée par la Sécu, soit les 15,10 euros.
« Une décision qui va dans le sens de nos arguments »
Cette scission du tiers-payant va dans le sens des revendications des médecins contestataires. Ces derniers craignaient en effet de devenir dépendants des nombreux organismes de mutuelle santé et de voir augmenter les retards de remboursement, voire les impayés. Ils reprochaient également le poids de la paperasse à leur charge lié à la multitude des acteurs. « Cette décision va tout à fait dans le sens de notre refus de voir les régimes complémentaires venir compliquer la vie des médecins », a indiqué à l’AFP le président d’un des principaux syndicats de généralistes, MG France, Claude Leicher. « Nos arguments contre la généralisation du tiers payant ont été validés, s’est réjoui auprès de l’AFP Jean-Paul Ortiz, le président du CSMF, premier syndicat des médecins libéraux. L’Assurance maladie repose sur le principe de la solidarité nationale, ce qui n’est pas le cas des assurances complémentaires et l’on peut craindre qu’elles exercent des pressions sur les médecins concernant leurs prescriptions et orientent les patients vers les structures qui les arrangent. »
Pourtant attachée à cette généralisation, la ministre de la Santé Marisol Touraine « se réjouit de la validation par les Sages de la quasi-totalité de la loi de modernisation de notre système de santé ». En effet, la ministre rappelle que si ce n’est plus une obligation, « les professionnels de santé pourront en plus proposer le tiers-payant pour la partie remboursée par les complémentaires santé ». Autrement dit, cela dépendra du bon vouloir du médecin.